Antoine et les Transalpins de Gaëtan Bille
Atypique, touchant, humainement exceptionnel
Davide Rebellin & Enrico Gasparotto
Si l’on excepte Antoine Demoitié qui fut tout simplement le meilleur ami de Gaëtan, ce dernier fut particulièrement impressionné par la personnalité atypique de deux coureurs coureurs transalpins: Davide Rebellin et Enrico Gasparotto.
Rebellin que Gaëtan a côtoyé lors de sa seule saison « amateur », après son parcours pro, au sein de la formation Sovac. « Je l’ai déjà mentionné et expliqué dans le fil de ma carrière, Davide était aussi atypique que touchant. Et cette passion dévorante pour le vélo, tout autant qu’une hygiène d’ascète -un peu comme Valverde- qui a permis cette incroyable longévité« .
Mais Gaëtan a probablement été marqué plus encore par Gasparotto. Probablement parce que cette saison chez Wanty fut aussi la plus douloureuse. « Avec Enrico, on est dans un tout autre registre, mais humainement ce gars-là est vraiment exceptionnel. La manière dont il a été présent pour honorer la mémoire d’Antoine, c’était remarquable. Alors qu’il ne le connaissait que depuis deux mois. Il a amené d’énormes choses au sein de cette équipe, les fondations qui ont fait d’elle aujourd’hui une équipe Pro Tour. Il avait un leadership naturel qui en imposait. Lorsqu’il y avait un problème, c’est lui qui réunissait les coureurs avec le staff, pour amorcer le dialogue ».
Antoine, ce « frère » né du vélo…
La première rencontre marquante d’Antoine Demoitié et Gaëtan se déroule au Tour des Carpates en 2010: ils couraient alors tous deux pour la Fédération Wallonie-Bruxelles. « J’en garde un excellent souvenir, c’est véritablement là que nous avons appris à courir ensemble, là que nous nous sommes trouvés des centres d’intérêt communs…on a beaucoup rigolé ». S’enchainait alors le Tour de Liège et la suite de la saison. Ils forment un groupe d’entraînement en région liégeoise. « Avec Maxime Monfort, qui était véritablement au sommet de son art, à l’époque HTC et Leopard: il était une sorte de guide pour Antoine, qui allait faire ses débuts chez Color Code, et pour moi qui allais passer pro. Max nous a appris la rigueur, le professionnalisme et cette capacité à s’entraîner dans des conditions difficiles ».
Antoine était un des rares bons sprinters wallons de l’époque. « C’était sa qualité intrinsèque, mais comme tout bon cliché tenace qui colle à la peau des sprinters, il ne savait pas passer un pont d’autoroute (rires). Mais en bossant dans les Ardennes, il s’est transformé au fil des années, la preuve avec cette victoire en côte qu’il remporte en 2014 au Tour du Finistère. En vrai puncheur ».
Et forcément, d’une telle amitié ne peuvent jaillir que des souvenirs mémorables. D’abord sur le vélo… « Tous nos entraînements dans les vallons ardennais, mais aussi Malaga, en Espagne: nous y avions loué un appartement durant deux hivers. Les entraînements étaient très agréables là-bas. C’était en quelque sorte notre QG: c’est d’ailleurs là qu’il avait invité Astrid en décembre 2014 pour la demander en mariage… je m’en souviens comme si c’était hier. Christophe Prémont et Olivier Pardini étaient là aussi. Au lendemain de sa demande, il nous avait annoncé, à la fin de l’entraînement qu’elle avait dit oui, et nous avons fêté cela avec des tapas et des vins locaux sur la place Merced: je peux vous dire que les trois kilomètres de retour à l’appartement furent particulièrement folkloriques ».
Parmi les autres bons souvenirs, Gaëtan retient aussi ces repas partagés plusieurs fois par semaine avec leur soigneur, Jean Mathy. Mais ce qui semble avoir le plus marqué le Fouchois, c’est … « la veille du mariage d’Antoine…comme le veut la tradition, les futurs mariés ne passaient pas la nuit ensemble. On a fait une pizza party avec Astrid et Antoine, puis Astrid est partie chez ses parents. Et comme de bien entendu, nous ne sommes pas limités à un verre de vin… Résultat des courses, cela s’est terminé dans le Carré à Liège…. Lorsqu’Antoine s’est réveillé en sursaut à 8h, il a juré tous les noms de la terre, car il était en retard pour aller chercher le bouquet de la mariée, à Huy. Nous sommes évidemment arrivés en retard dans la famille d’Astrid, cela commençait bien (rires) ».
Toute cette joie de vivre a été brisée violemment le 27 mars 2016 à Sainte-Marie-Cappel, lors de Gand-Wevelgem. « Forcément le décès d’Antoine a eu une ampleur médiatique énorme ! Le #RideForAntoine avait été trouvé par les responsables presse de l’équipe Wanty à l’époque. Personnellement, ce n’est pas au travers de ce hashtag que je retrouve les souvenirs d’Antoine mais je suis heureux de voir qu’il est toujours présent sur le bus de l’équipe. Ça permet au public, aux nouveaux coureurs ou membres du staff de se souvenir de ce tragique accident et surtout qu’il fait partie de l’histoire de l’équipe de Jean-François Bourlard.
Pour Gaëtan, les mois qui ont suivi son décès ont été très difficiles à vivre. « Je me souviens que j’allais régulièrement au cimetière à vélo pour passer du temps avec Antoine. Situation un peu glauque peut-être… Aujourd’hui j’ai toujours beaucoup de mal à parler d’Antoine. Un cadre avec son dernier dossard et des photos souvenirs sont accrochés au mur de mon bureau ».
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